Chapitre 2 – Un coin de bitume

De-nulle-part-a-nulle-part_02

En longeant la route Emeric aperçoit une voiture noire à l’arrêt. Elle chevauche à peine le bas-côté et déborde beaucoup sur la route. Compte tenu de l’épaisseur du brouillard, laisser une voiture là sans allumer ses phares lui semble particulièrement dangereux. Finalement ce détail l’importe peu, le froid lui rappelle combien il devrait se préoccuper de choses plus urgentes. Il  doit redescendre au plus vite pour trouver un endroit où se réchauffer.

Fiche Technique
Staff
Personnage
Entreprise
Galerie

Son regain éphémère de courage est mis à mal lorsqu’il constate que, quelques centaines de mètres plus loin, la route s’arrête nette. Il n’aperçoit même pas un petit chemin de terre pour continuer. A première vue cela fait penser à un glissement de terrain, mais cela ne peut pas être ça. Le terrain est recouvert par une forêt relativement dense.

Emeric s’approche de ce cul-de-sac en éclairant le sol de la lisière pour voir s’il ne peut pas y déceler un  passage. Malgré une analyse lente et minutieuse, il n’a rien trouvé. La végétation est tellement touffue qu’il faudrait y aller au bulldozer pour avoir une petite chance de passer. S’il y avait autrefois un chemin de terre au bout de cette route, ça fait longtemps que plus personne ne l’a emprunté, la nature a fini par reprendre ses droits.

Emeric en arrive à la conclusion que cette route n’a probablement jamais été achevée.

-    Au moins maintenant, je sais dans quelle direction aller. La seule chose que j’ignore c’est la distance que je dois parcourir et le temps qu’il me faudra.

Le fait que cette route soit sans issue est d’une certaine manière une mauvaise nouvelle. Cela diminue fortement la probabilité de croiser quelqu’un. Emeric en a conscience, mais essaie de ne pas trop y penser pour ne pas se démotiver.

Il rebrousse chemin et reprend la route dans l’autre sens. Il ne tarde par à recroiser la voiture noire sans lui prêter le moindre intérêt, préférant focaliser son attention à scruter les environs. Si quelqu’un a garé une voiture ici, c’est qu’il doit y avoir une habitation dans le coin. Le raisonnement est logique, pourtant la recherche s’avère vite infructueuse.

-    Si réellement il y avait une maison à proximité, on devrait voir le halo lumineux des fenêtres.

Pour augmenter ses chances de percevoir une lueur, il éteint sa lampe puis attend quelques minutes pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité. Lorsqu’il arrive à distinguer les contours des choses, il se met à regarder autour de lui.

-    Rien, absolument rien ! Ou ils ne sont pas là, ou ils sont couchés. Mieux vaut continuer.

En marchant Emeric s’étonne de constater que la route devient de plus en plus claire, il lui faut quelques seconde pour réaliser que c’est à cause du givre qui se forme à sa surface.

-    Voilà un signe que la température a encore baissé. Je ne dois pas traîner.

Alors qu’il venait juste d’accélérer le pas, il doit de nouveau s’arrêter. Là encore la route s’interrompt brutalement. Il ne s’agit pas ici de terre, mais de roche. Cela ne ressemble pas à un éboulement, c’est un peu comme si les ouvriers qui ont fait cette route avaient renoncé à creuser et s’étaient contentés d’étaler le goudron jusqu’à la roche. Même le rail de sécurité et le marquage au sol vont jusqu’au contact. Cela donne l’impression que la route a été coupée au cutter et posée là.

- La voiture que j’ai croisée tout à l’heure est forcément arrivée de quelque part. Avec le brouillard, j’ai dû rater une intersection, peut-être avec un chemin forestier non goudronné.

Malheureusement après un deuxième aller-retour, il fut obliger d’admettre qu’il n’y avait ni croisement ni chemin. Un rail de sécurité longe la route sur le côté droit et la descente est abrupte quasiment tout le long. De l’autre côté, c’est un mur de roche qui se tient à deux mètres de la route.

Désespéré et grelottant, il s’assoie à côté de la voiture. Emeric en vient à se demander si il n’est pas en train de devenir fou. Cette voiture sur une route qui n’a ni entrée ni sortie, c’est invraisemblable, on ne construit pas une route qui va de nulle part à nulle part.
Il repense aux phares qu’il a vus un peu plus tôt en se disant qu’ils provenaient certainement de cette voiture. Ils n’ont pas pu s’allumer tout seul. Le propriétaire n’est sûrement pas très loin.

Il tente d’appeler à l’aide, mais personne ne répond à l’écho de sa voix. Après s’être époumoné, en vain, il médite sur l’absurdité de sa situation. Cette route sans accès avec une voiture perdue dessus. N’est-il pas tout simplement en train de rêver ? Peut-être qu’en réalité il s’est endormi en pleine montagne. Peut-être est-ce pire : il est mort de froid et ce bout de route est son purgatoire.

Difficile d’avoir les idées claires lorsque le froid vous engourdi le cerveau. Il s’approche de la voiture, la touche pour être sûr qu’elle est bien réelle. Ça fait bien longtemps qu’il ne s’intéresse plus aux voitures, mais il arrive sans peine à reconnaître le modèle, une Porsche Boxster de 2002. C’est une décapotable deux places, mais celle-ci a en plus un hard top.
En la regardant, il se dit qu’il serait plus au chaud dedans que dehors. Il hésite, regarde une pierre sur le bas-côté et se demande s’il ne devrait pas casser une vitre pour se mettre au chaud.

- Avec une vitre en moins, il y aura encore des courants d’air, mais moins que si je reste dehors.
Comme l’ouverture de la vitre n’est pas bien grande, je pourrais toujours la boucher avec mon sac.

Il jette un coup d’œil dedans et constate avec étonnement que les clés sont sur le contact. Voilà un indice qui suggère que la voiture est ouverte et que le propriétaire est tout près. Le mieux est encore de l’attendre à l’intérieur. Il tire la poignée avec une pointe d’appréhension. Le mécanisme d’ouverture s’enclenche dans un cliquetis sourd qui confirme que, comme il l’avait supposé, elle n’était pas fermée.

A présent, Emeric est enfin à l’abri du vent, mais pas du froid. L’humidité ambiante a détrempé ses vêtements. La buée qui sort de sa bouche se cristallise en glace sur les vitres de la voiture. Même si la situation s’est améliorée, il n’est pas encore sorti d’affaire. La nuit est tombée depuis un moment et la température continue de décroître. Cherchant à se familiariser avec son abri de fortune, il explore du regard l’habitacle et se pose quelques instants sur les nombreux interrupteurs. Deux d’entre eux sont ceux des sièges chauffants. Voilà une option bien pratique, mais pour en profiter, il faut que le moteur tourne. Emeric se demande alors si cette voiture est en état de marche. Rien n’indique depuis combien de temps elle est là. Si elle a été abandonnée, c’est peut-être parce qu’elle est en panne.

Lorsqu’il a ouvert la portière, la lumière du plafonnier s’est allumée. C’est donc que la batterie n’est pas déchargée. Il se décide à tenter de la démarrer. Emeric tourne la clé de contact entraînant péniblement un moteur qui tousse comme une tortue asthmatique. Ce bruit est caractéristique d’une voiture qui n’a pas tournée depuis quelques semaines. En jouant de l’accélérateur, Emeric parvient à relancer le moteur dont les six cylindres reprennent vie dans un vrombissement sourd. Puis, progressivement, le régime diminue pour se stabiliser au ralenti dans un ronronnement presque félin.

En attendant que le moteur soit assez chaud pour réchauffer l’air de l’habitacle, Emeric a pressé le bouton du siège chauffant. Les résistances électriques de l’assise et du dossier montent en température bien plus vite que le moteur offrant ainsi une douce chaleur qui lui parcourt le dos.

Reste à savoir combien de temps cette voiture va pouvoir tourner. Pour connaître la durée de son sursis, Emeric lance un rapide coup d’œil sur la jauge d’essence. Par chance, le réservoir est plein. Au ralenti, un moteur de ce type doit avoir une consommation tournant entre 1 à 1,5 litre par heure, sachant que sur ce modèle le réservoir doit faire au minimum 60 litres, il a largement de quoi tenir jusqu’au petit matin. Emeric sait maintenant qu’il est tiré d’affaire. Il se sent un peu gêné d’utiliser de la sorte une voiture qui n’est pas la sienne. Il se rassure en se disant que c’est un cas de force majeure et que de toute façon, il remboursera le propriétaire pour l’essence consommée.

Terrassé par le froid et la fatigue, bercé par cette chaleur salvatrice qui l’enveloppe lentement Emeric s’enfonce dans un sommeil profond.

 

 

La version papier ou ebook existe si vous souhaitez soutenir l’auteur :

Version papier + ebook : 15€ >>

Version numérique ePub : 2,99€ >>

 

 

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*


Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>