Chapitre 3 : Jusqu’au pont

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A peine 5 heures se sont écoulées lorsque les premiers rayons du soleil touchent le visage d’Emeric. Ce trop court sommeil s’avère très insuffisant pour récupérer de la rude journée d’hier. Curieusement, il se sent plus fatigué qu’avant de dormir. Est-ce à cause du froid qui n’est plus là pour le maintenir éveillé malgré lui ? Le chauffage de la voiture lui a procuré une chaleur bienveillante qui le maintient encore dans une torpeur matinale.
 

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Emeric ne se sent pas la force d’attaquer le voyage du retour. Il n’a presque rien mangé ni bu depuis au moins 18 heures. La déshydratation et l’hypoglycémie commencent à peser lourdement sur ses épaules. Il ne peut pas se permettre de rester plus longtemps ici, plus il attend, moins il aura de force.

Bien qu’il ait passé la nuit dans la voiture, il n’y a aucune buée sur les vitres. Apparemment la ventilation a bien fonctionné. Sans ce renouvellement d’air, il se serait probablement asphyxié avec son propre gaz carbonique. 

Le brouillard s’est levé pendant la nuit et maintenant que le soleil est sorti de sa tanière, on peut voir distinctement les environs. Emeric se décide alors à vérifier s’il n’y a pas un croisement qu’il n’aurait pas vu hier. Il enclenche la première et roule jusqu’au bout de la route.

Le constat en plein jour est le même que la veille. La forêt est très dense et la franchir, même à pied, semble difficile. Il fait demi-tour et parcourt la route dans l’autre sens pour être certain qu’il n’y a aucun accès. Arrivé au bout c’est la même sentence, aucun chemin apparent, juste un cul-de-sac inexplicable. 

Emeric est à présent certain que cette voiture n’a pas pu arriver par une route carrossable. Sûrement par hélicoptère. Il se souvient avoir vu quelque chose de similaire dans les années 90. Pour les besoins d’une émission de télé, un piano à queue avait été héliporté au sommet d’une montagne. Pourtant il reste dubitatif, il connaît bien la région et n’a jamais entendu parler de ça. Transporter un piano ou une voiture est une chose relativement simple et peu coûteuse pour une émission de télévision ; en revanche la construction d’une route au milieu de nulle part demande des moyens considérables, sans parler des autorisations à obtenir. Quelle chaîne pourrait se permettre une telle gabegie sans que ça ne se sache ? 

Il remet la résolution de ce mystère à plus tard, l’urgence est de se remettre en route. Avant de partir, il prend soin de déposer quelques billets sur le tableau de bord. 

-    Il y a largement de quoi faire un plein, avec ça, j’espère que le propriétaire ne m’en voudra pas trop d’avoir tapé dans son réservoir.

A tout hasard, il ouvre le coffre pour voir s’il ne peut pas dénicher quelque chose d’utile à l’intérieur. Par chance, il y trouve des biscuits et une bouteille d’eau. Ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un repas équilibré, mais c’est très suffisant pour calmer un peu son estomac.
Emeric constate qu’aucun des produits n’a de date de péremption, heureusement ce genre d’aliments se conserve bien dans la durée. Étant donné que la batterie n’est pas à plat, cette voiture ne doit pas être là depuis très longtemps. 

-    Je ne prends pas un gros risque, de toute façon, je ne peux pas me permettre de faire le difficile, je dois impérativement reprendre des forces.

Après s’être un peu rassasié, Emeric remet son sac à dos sur ses épaules, jette un dernier regard à cet étrange endroit puis repart l’esprit encombré de questions sans réponses. Comme la vue est dégagée, il a pu repérer au loin un lieu qui lui semble familier. S’il ne se trompe pas il va pouvoir rejoindre la civilisation très bientôt.
 
Même si le retour est pénible à cause de la faim et de la fatigue, le trajet se passe relativement bien. La lumière du jour permet d’éviter tous les dangers que recèle la montagne. Après deux heures de marche, il aperçoit au loin une route. Celle-ci, il la connaît bien, aucune chance de se retrouver dans un cul-de-sac.
 
Ici, il est sûr de croiser des voitures, mais avec sa dégaine de clodo mal rasé, il se demande si quelqu’un acceptera de le prendre en auto-stop. Son appréhension se confirme, malgré ses gesticulations désespérées, personne ne daigne s’arrêter. Emeric connaît l’endroit, il y a au moins 25 kilomètres jusqu’au prochain village.
 
Plus le temps passe, plus il est certain qu’il n’aura pas la force d’arriver jusqu’en bas. Il va devoir faire du forcing pour arrêter la prochaine voiture. Heureusement, il a en tête un endroit parfait pour cela. A quelques centaines de mètres seulement se trouve un pont où l’on ne peut passer qu’à un seul véhicule à la fois. Il lui sera très facile de bloquer le passage, les voitures ne pourront pas le contourner.
 
A peine une trentaine de mètres le sépare à présent du pont lorsque des vertiges l’assaillent. Au moins, il est sûr d’une chose, il n’est pas mort, son corps lui fait trop mal pour cela. Sa vue s’est brouillée, mais il peut entendre au loin qu’une voiture vient de franchir le petit pont. 

-    Encore une que je ne pourrai pas arrêter, je n’ai pas la force de courir jusqu’au pont.
-    Monsieur, vous vous sentez mal ?

Voilà qui est inattendu, cette petite phrase est le début de la fin du calvaire d’Emeric. Ça fait bien longtemps qu’il n’a pas été aussi heureux de revoir l’un de ses semblables. Après avoir brièvement expliqué qu’il s’est perdu et a passé la nuit dehors, le conducteur a pitié de lui. Acceptant de rebrousser chemin, il embarque Emeric pour le conduire à la gare la plus proche.
 
Le trajet est un tel flot de questions teintées de reproches liés à son imprudence, qu’Emeric commence presque à regretter son bout de route perdu au milieu de nulle part. C’est vrai qu’il a été imprudent. Il a fait des erreurs de débutant indignes de lui, mais il n’est pas nécessaire qu’on remue le couteau dans la plaie.

Arrivé à la gare, Emeric remercie son sauveur et s’engouffre dans le premier restaurant venu.

-    Que désirez-vous ?
-    N’importe quoi pourvu que ce soit prêt à être servi dans les 5 minutes.
-    Le plat du jour ? Nous avons des rognons de bœuf au madère.
-    C’est parfait.
-    Comme boisson ?
-    Un sauternes, un coca et une bière.
-    Euh… autre chose.
-    Juste un peu de calme…

Emeric s’en veut un peu d’avoir été aussi sec, mais la fatigue l’a rendu irritable. En mangeant son repas, sa bonne humeur revient progressivement. Les dernières heures qu’il a vécues lui semblent déjà lointaines, un peu comme un rêve. Maintenant qu’il est sorti d’affaire, cette étrange route lui taraude l’esprit.
 
Il a beau chercher une explication logique et rationnelle à tout cela, rien ne lui vient à l’esprit. Comment expliquer la présence de ce bout de route et surtout de ce coupé. Si encore ça avait été un 4×4 ça ne lui aurait pas semblé aussi incongru, mais vu sa garde au sol, elle ne pourrait même pas rouler dans une pairie.
 
Il commence à se demander si la faim ne l’a pas fait délirer et qu’il n’a imaginé tout cela.
Les seules preuves tangibles qui attestent que ce qu’il a vécu n’est pas un rêve sont l’emballage du paquet de biscuits et la bouteille d’eau qu’il a trouvé dans le coffre. Pas sûr qu’il arrive à convaincre ses amis de la véracité de son histoire avec de telles pièces à conviction.

 

 

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