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Timetowin, fan subber à Dattebayo-fr

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Le fan subbing, bien qu’illégal est devenu un véritable phénomène de société qui permet à des millions de fans de suivre chaque semaine leur série préférée indépendamment des politiques éditoriales des chaînes ou des éditeurs. Parfois décriés pour la qualité aléatoire des traductions, d’autres y voit au contraire une transcription plus fidèle à l’esprit de l’œuvre originale. 

Timetowin a accepté de nous parler de son activité au sein de Dattebayo. Cette « team » est l’une des équipes internationales de fansubber les plus célèbres en raison de la qualité et de la rapidité des traductions faites sur Naruto et Bleach (pour les plus connues).
 

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O : Bonjour Timetowin et merci de nous avoir accordé un peu de temps pour cette interview.
Avant de commencer à aborder le fansub, pouvez-vous nous présenter votre activité au sein de
Dattebayo-FR ?
T :
J’ai intégré l’équipe durant l’été 2007 en participant à Seirei No Moribito, en tant que « checkeur » c’est-à-dire veillant au contrôle de l’orthographe. Je suis ensuite passé sur Naruto Shippûden avant de devenir traducteur anglais/français sur cette série. Cependant j’aide aussi régulièrement en correction sur Soul Eater, ainsi que sur d’autres animes, si besoin est. 

O : Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivé à Dattebayo-FR ?
T :
Mon arrivé dans le monde du fansub fut un cheminement assez long. Après quelques années creuses, j’ai commencé à me réintéresser à l’animation japonaise au moment où j’ai découvert deux petites perles, à savoir Chrono Crusade et Fullmetal Alchimist. Non pas que je ne m’y intéressais plus du tout, mais je n’avais plus l’occasion de voir de nouveaux animés, après la fin du Club Dorothée (je devais avoir une quinzaine d’années à l’époque). J’ai tout de même découvert quelques séries passionnantes, notamment GTO et Evangelion sur Canal -, ou quelques longs métrages (Jin Roh, Kenshin), mais pas du tout autant que maintenant. 

Petit à petit, je me suis replongé dans cette passion, et j’ai voulu participer. Juste pour ne pas être inactif. Pour ne pas rester simple spectateur. J’ai alors commencé par entrer chez Requiem, chez qui j’ai pu aussi faire de la correction et de la traduction (sur Eureka7 et Ueki no Housuku notamment). Malheureusement à l’époque, j’étais en plein dans mes études de maîtrise d’histoire (Master 1) et j’ai dû arrêter au bout de 6 mois, par manque de temps. 

L’une de mes motivations, à chaque fois, était de mieux faire. Je voyais régulièrement des fautes, alors je les signalais, ce qui m’a parfois valu des commentaires du genre « à force de regarder les erreurs, tu comprends au moins ce qui se passe ? ». J’ai compris très vite que critiquer sans participer était vain, mais j’ai dû attendre un an que mon emploi du temps me le permette pour entrer chez Dattebayo

À l’époque, je travaillais à mi-temps comme secrétaire de rédaction dans un journal de PQR (Presse Quotidienne Régionale), mais à présent que mon contrat est terminé, je recherche une place dans le monde du journalisme, que ce soit en secrétaire de rédaction ou en rédacteur. (NDLR : Si vous avez des offres, les faire parvenir à la rédaction, nous les ferons suivre.

O : On imagine facilement les fans subber en Otaku ou Geek, quelle est votre opinion sur ce cliché ?
T :
Je pense avoir une vie sociale épanouie et mes activités ne se limitent pas à l’animation. D’une façon générale, je déteste les termes « Otaku » ou « Geek ». C’est très réducteur d’être catalogué sur un seul aspect de sa vie, juste parce que l’on aime l’animation japonaise ou les jeux vidéos.

Personnellement, j’adore aussi parler politique, suivre l’actualité et y rebondir sur mon blog. Même si je suis très branché sur les nouvelles technologies et que j’y passe du temps, il me semble qu’on peut être « normal » malgré cela.
Je m’intéresse à une culture qui n’intéresse pas tout le monde. Mais je suis un touche-à-tout avant tout, j’aime explorer plusieurs univers, qui font finalement partie du nôtre.

O : Qu’aimez-vous particulièrement dans cette activité ?
T :
Simplement le fait de pouvoir « faire » quelque chose qui me passionne. C’est d’ailleurs pour cela aussi que je veux travailler dans le journalisme.
Si je devais faire une comparaison avec un animé, ce serait la mentalité de One Piece : Suivre ses rêves et les réaliser, on n’a qu’une seule vie.

O : A présent abordons un peu l’organisation de l’équipe de fan subbing.
T :
Au total, nous devons être une bonne vingtaine de personnes d’horizons divers, se répartissant les rôles de :

  • Traducteur
  • Checkeur (orthographe)
  • Timeur (régler au centième de seconde le moment où apparaît le sous-titre puis disparaît)
  • RAW provider (chercher les vidéos brutes)
  • Encodeur (création de la vidéo sous-titrée)
  • Editeur (incrustation dans l’image)
  • Karamaker (création des karaokés).

O : Quelle est la méthode et combien de temps vous faut-il pour faire un subbing de Naruto ?
T :
Pour un anime comme Naruto, c’est un peu particulier. En effet, nous créons nos sous-titres en partenariat avec l’équipe américaine, qui nous fournit la traduction anglaise, déjà mise en forme (l’edit, les karaokés et le timing sont déjà faits). Il ne nous reste qu’à traduire de l’anglais au français, en vérifier l’orthographe et faire quelques adaptations de l’edit.
Nous renvoyons ensuite le fichier de sous-titres à l’encodeur, qui est dans la team américaine.

Pour certains animes, nous demandons aux équipes américaines si elles veulent bien que nous traduisions à partir de leur version. Nous préférons agir ainsi par respect pour leur travail, plutôt que de nous servir d’eux sans scrupule. De même, il nous arrive de leur donner une aide sur un anime précis.

Donc, pour en revenir à notre partie sur Naruto, je mets entre 2 et 4 heures pour un épisode simple en traduction, selon la quantité de paroles, évidemment !
L’adaptation de l’édition dure environ 20 à 30 minutes.
Et la vérification orthographique environ 1 heure.
Soit entre 3h10 et 5h20, mis bout à bout. Cela peut prendre logiquement plus de temps, si la personne suivante n’est pas là à la fin d’une étape.

Pour la version HD, l’encodeur prend 2 heures, et 30 minutes de plus pour faire quelques adaptations.

O : Y a-t-il des animés que vous traduisez directement du japonais sans passer par l’anglais ?
T :
Personnellement, non. Mais nous avons dans l’équipe quelques traducteurs japonais/français qui sont diablement efficaces.

O : À part la question financière, en quoi votre approche diffère des professionnels ?
T :
Nous n’avons pas à gérer les mêmes contraintes, notamment nous ne sommes pas restreints par un nombre de caractères officiels à respecter par ligne (même si le bon sens veut qu’on n’écrive pas des romans). Nous sommes un peu plus libres car nous n’avons pas d’attentes de la part du producteur/éditeur. À nos yeux, seule la version d’origine sert de référence, quitte à être un peu plus littéral.

Si je me réfère à l’interview de David Nachtergaële, l’exemple de "sama", dans un sous-titre, est signifiant. Pour un doublage, effectivement, il est nécessaire de changer ce suffixe. Pour des sous-titres de fans, dans lesquels le contexte japonais est beaucoup plus prégnant, nous laissons quelques mots dans cette langue. Par exemple, nous pouvons nous permettre de laisser « sensei » qui est plus court que « professeur ». On peut ainsi à la fois raccourcir les lignes tout en gardant en prime un esprit plus proche de la version originale.

O : Les fansubs sont souvent portés aux nues par les fans alors que les versions des éditeurs sont décriées. Que pensez-vous de leurs critiques ?
T :
Je ne vois pas sur les versions sous-titrées beaucoup de différences. Personnellement, ayant acquis plusieurs collections de DVD, je ne regarde que les versions sous-titrées. S’il manque quelques effets propres au fansub (karaoké, polices), il apparaît que la traduction reste de très bonne facture.
Les versions décriées sont beaucoup plus souvent celles qui sont doublées, mais que les fans eux-mêmes ne regardent pas. Les fans sont pour la plupart un public adulte ou adolescent et non des enfants pour qui les versions doublées sont plus accessibles.
Pour ma part, quand je regarde un Miyazaki, le doublage ne me dérange pas.

O : Les éditeurs de DVD ou les chaînes reprochent souvent au fansub de tuer le marché international, éliminant le potentiel commercial d’une série avant son arrivée officielle.
T :
À mon sens, les éditeurs ont en partie besoin du fansub, pour faire connaître certains animes et évaluer leurs potentialités. Ils pourraient bien sûr s’en affranchir, mais cela comporterait un certain risque.
On ne peut pas nier qu’une partie du public ne se satisfait pas de la politique commerciale des éditeurs, tant en terme de prix de vente ou de délai de diffusion. Les spectateurs, pour la plupart, recherchent quelque chose de rapide et de bonne facture (on le voit aussi pour les séries américaines). Beaucoup n’ont pas non plus assez d’argent pour s’octroyer le luxe de s’acheter des séries à rallonge à 40 € le coffret, et/ou préfèrent l’investir ailleurs (petites séries, manga papier, figurines).

Il n’y a pas non plus d’alternative réelle au fansub, comme par exemple une diffusion en vostfr sur les chaînes comme Mangas ou GameOne, vers 21 heures. Les diffusions « gratuites » pour le spectateur en vostfr n’existent pas. Il y a certes des limites légales de diffusion en langue étrangère, mais le problème serait peut-être moindre si un créneau horaire spécifique était mis en place.

Je pense que le fansub comble un manque et permet de faire découvrir en exclusivité certaines séries. Mais je ne juge pas, je vois plutôt une situation avec quelques vides qui sont comblés.

O : Certains éditeurs reprochent parfois aux subbers de « s’engraisser » grâce à la diffusion des animés subbés, notamment grâce aux pubs qu’ils mettent sur leurs sites (cf : Pika et Fairy Tail). Est-ce réellement une activité si rentable ?
T :
Ce n’est pas la politique de Dattebayo-FR. Les « profits » engendrés par les publicités, sur notre site, servent juste à payer l’hébergement, et encore partiellement. Une chose est certaine, personne ne vit du fansub.

O : La team américaine a marqué l’actualité en annonçant, après 4 ans d’activité, qu’ils allaient arrêter de subber Naruto le 15 janvier 2009. Pouvez-vous revenir sur les raisons qui ont motivé cette décision et pourquoi la team française va quant à elle continuer ?
T :
Il s’avère que Viz, société américaine, va créer à partir de janvier une offre légale et payante de diffusion sur internet, en vosta (VO sous-titrée en anglais), dès le lendemain de la diffusion au Japon. Mais l’originalité de l’opération, c’est qu’une semaine après diffusion payante, les internautes pourront voir gratuitement l’épisode. Du coup, pour Dattebayo-US, l’utilité de sous-titrer Naruto en anglais est devenue nulle. S’ils avaient continué, ils se seraient mis en conflit d’intérêt direct avec Viz.
De notre côté nous n’avons pas de raison particulière d’arrêter, puisque rien de comparable n’existe en français. La team américaine non plus ne voit pas d’objections à cela.

O : Malgré la tristesse de cette nouvelle, les fans ont plutôt bien pris cette annonce (qui a été très bien expliquée sur leur site). Qu’est-ce que cela traduit selon vous ?
T :
Cela traduit un attachement aux valeurs du fansub, ainsi qu’un réel bon sens de la part des fans. Leur but est de voir l’œuvre rapidement, et là  ils sont servis. J’ai même presque envie de dire que c’est une forme de victoire, puisque Viz a acté l’existence du modèle du fansub.
J’espère que cette méthode va créer un précédent qui donnera des idées à certains.

O : Pour terminer, y a-t-il une question que vous auriez aimé qu’on vous pose ?
T :
Oui : « Quelle est votre expression préférée sur le net ? »
- "Voilou !", c’est comme ça que je conclus assez souvent mes messages !

O : Merci Timetowin et bonne continuation.

 

Pour aller plus loin :

Fansub : Comment les chaînes de TV ont indirectement favorisé leur essor

Interview de David Nachtergaële un traducteur professionnel d’animés

Slate.fr : jamais sons mon sous titre… professionnel

Les menus des DVD : une incitation au piratage

 

 

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